BIOLUMINESCENCE
Mon projet est une performance visuelle collaborative avec des organismes lumineux. À travers une démarche multimodale et transdisciplinaire, j’explore un engagement sensoriel avec l’océan obscur et ses habitants. Je propose l’installation d’un agencement symbio-mimétique avec des bactéries sous-marines bioluminescentes et fabricatrices de mondes en dialogue avec un travail photographique et vidéo explorant le mystère des apparitions dans l’océan.
Je suis artiste-chercheur, écrivain, cinéaste, docteur en arts, résidence pluriannuel à l’Institut de Recherches Avancées Iméra, Aix-Marseille Université. J’explore le champ des humanités environnementales à travers des formes hybrides et la transdisciplinarité. Auteur de livres, de films, d’installations, je m’intéresse en particulier aux relations des humains avec les mondes sous-marins, aux enjeux politiques contemporains brûlants de l’écologie, à la philosophie du non-humain. Depuis plus de 10 ans, je travaille sur les interactions humains/autres-qu’humains, en particulier sous-marines, en développant une approche à la fois critique et prospective. De part ma formation académique en philosophie de l’art et en sciences humaines, je mène une analyse engagée dans l’effort partagé par de nombreu·x·ses artistes et chercheur·euses de refonder notre rapport au vivant au sein de nos sociétés industrialisées. En même temps, par une démarche créative – de texte, d’image et de bio-sculpture – je propose d’envisager d’autres modalités de relation.
Projet 3 : Imaginer des partenariats au-delà de l’espèce (2024)
Planche contact partenariats post-naturelles.
Quelles associations peut-on imaginer avec des bactéries bioluminescentes ? Existerait-il des avenirs souhaitables par les deux espèces ? Peut-on se trouver, ou s’inventer, un lieu commun ?
Dans ce moment partagé avec des êtres si différents, quelque chose change en nous. Quelque chose peut-être concernant notre imaginaire de l’océan, ses dynamiques, ses habitants, sa folle persistance à être si obscur et si profond. Quelque chose peut-être concernant notre imaginaire des bactéries et leur présence parmi nous, ou encore sur nos manières d’éclairer. La lumière est une affaire de vie et de mort dans l’océan. Quelque chose peut-être alors sur notre capacité d’empathie avec le vivant, sur nos potentiels sensoriels, sur notre perception de la mort dans son rapport à la vie.
L’installation que je propose est une interface, une zone d’interaction et de co-habitation, où les mondes se rencontrent pour se transformer et apprendre ensemble. Donna Haraway parlait de l’enjeu contemporain d’apprendre à bien vivre et mourir ensemble, avec les autres espèces, dans un épais présent. C’est un peu de ça dont il s’agit.
En travaillant avec les bactéries bioluminescentes je propose de jouer notamment sur des jeux d’échelles et de perspective : que se produit-il lorsque nous acceptons d’éteindre nos lumières et d’accueillir en retour une autre luminosité, plus discrète, plus humble, mais travaillant depuis les premiers temps de la vie à former la planète telle que nous la connaissons aujourd’hui ? Que se passe-t-il en nous lorsque soudain la vie et la mort de bactéries devient un sujet de préoccupation et d’interrogation ? Où sommes-nous ?
Mon installation vise à produire une incertitude d’échelle, une mise en variation de la position narrative habituelle.
Étant à la fois chercheur transdisciplinaire et artiste, je navigue régulièrement entre les arts et les sciences, la théorie et la pratique, le vivant et la société. Ma démarche est toujours à la recherche de renversements de perspectives, permettant d’aborder les thèmes par des angles multiples, et visant à décentrer la position du sujet humain pour ouvrir ce dernier à d’autres potentiels : comment s’imaginer autrement que comme individu, non plus en un système clôt fermé sur lui-même, indépendant et indifférent au monde, mais au contraire en un système ouvert, en constante métamorphose et interdépendance permanente avec le monde « extérieur ». L’intérieur et l’extérieur n’ont plus de distinction prédéfinie, ce sont seulement des moments sédimentés d’une relation continue.
Projet 2 : ANT-2200
Abyssal et sidéral (2023)
La deuxième étape a été de traiter par la photographie l’apparition des sphères. En laboratoire, j’ai recréé avec les sphères remplies de bactéries lumineuses une maquette de paysage spatial, imaginant ainsi qu’il s’agit de photographies prises par un télescope d’un nouvel ensemble d’exo-planètes. L’enjeu était d’instaurer une série de renversements qui met en perspective notre position de sujet principal dans l’histoire cosmologique. Notamment, je suggère que le contact « extra-terrestre » avec une autre espèce intelligente, tant recherchée par certain•e•s, a lieu constamment sur notre propre planète avec les autres vivants. Ce travail photographique d’exo-planètes bactériennes sera développé.
Planche contact photographie Exo-bactos (Cité des Sciences de la Villette, 2023)
Installation vivante au ZEF scène nationale Marseille : Festival nature et biens communs 2024 :
Projet 1 : Lumière de la mer (Marseille, 2022)
DESCRIPTION
- À l’occasion des trente ans de la Journée Mondiale de l'océan le 8 juin 2022, Jeremie Brugidou (IméRA) a créé une installation sous-marine inédite de bioluminescence (la lumière produite par les organismes vivants). Douze globes hermétiques contenant des bactéries bioluminescentes présentes en Méditerranée (Photobacterium phosphoreum ANT-2200) et mises en évidence par le MIO (Institut Méditerranéen d’Océanologie) sont suspendues au sein du Musée Subaquatique de Marseille où des sculptures sont installées en immersion permanente, servant ainsi de colonisateur artificiel pour les organismes locaux.
L'installation était une œuvre temporaire invitant le public à s’immerger la nuit en pleine eau pour visiter le musée éclairé à la bioluminescence bactérienne.
Le public pouvait ainsi évoluer dans le musée de nuit et rencontrer peut-être divers animaux curieux de cette lumière. Cette installation vise à éveiller par l'expérience corporelle un imaginaire de "l'océan obscur". Ce projet culturel était accompagné d’une campagne de sensibilisation et d’information au niveau de la plage des Catalans, incluant une tente de découverte pour les plus jeunes animée par des experts du MIO.
Ce projet vise des objectifs esthétiques, scientifiques, écologiques et pédagogiques. Il s’agit d’abord d’offrir une perspective toute nouvelle sur les œuvres du Musée, déjà colonisées par des micro-organismes marins. Grâce aux sociétés Clem et Madreperla nous avons créé des réceptacles sous-marins 100% recyclés et recyclables pour contenir les bactéries. L’œuvre bioluminescente permet de sensibiliser sur la biodiversité de l’océan obscur. En effet, la bioluminescence bactérienne est une lumière attractive dans l’océan car elle signale la présence de nourriture pour la faune, en particulier dans les zones profondes.
L’objectif est de sensibiliser et de faire parler de l’océan, et notamment des écosystèmes sous-marins profonds menacés par l’exploitation industrielle du fait notamment de leur situation « loin des yeux ». Cette œuvre vise à les rapprocher littéralement de nos yeux grâce à la lumière bactérienne des abysses.
Ainsi ce projet se pense dans une temporalité longue, où progressivement nous parviendrons à respecter l’ensemble des zones de vie, même les plus lointaines. Les sphères, telles de petites planètes bleues, sont autant d’habitats qui se pensent toujours au-delà de l’humain, à l’intersection de l’humain, du milieu et des autres formes de vie pour une relation durable avec la mer et sa biodiversité.
Le MIO, laboratoire de recherche océanologique partenaire du projet, mène actuellement des recherches importantes sur l’océan profond, les cycles du carbone, et l’influence sur le climat. La bioluminescence joue un rôle clé dans la circulation du carbone et cette œuvre est l’occasion de replacer l’océan profond au cœur des préoccupations malgré sa situation loin des yeux.
Avec cet évènement nous souhaitons plonger l’humain au cœur des cycles lumineux du vivant.
Ce projet est mené en partenariat avec le MIO (UMR AMU, CNRS, IRD, Université de Toulon) et l'IMéRA, Institut d'études avancées d'Aix-Marseille Université et co-produit par le Musée subaquatique.
Création vidéo à partir de l’installation :
Face à l’océan dans le bruit de la mer.
TESTS
Pour la version longue LUMIERE DE LA MER - Journée Mondiale des Océans 2022 : making of
https://vimeo.com/729897238
Pour en savoir plus :
Page résident Iméra
“Photogénies transpèces”
Palm, le magazine du Jeu de Paume
Arte - Gymnastique : vivons nous dans le monde d'Avatar ?
France 3 Provence/Alpes
France 5 Echappées belles S17 : Les voyages de Saint-Exupéry
IRD Institut de Recherche pour le Développement
Made in Marseille
NOTES DE RECHERCHE
Le projet que je mène actuellement à l’Institut d’Études Avancées IméRA, avec l'Institut méditerranéen d'océanologie (MIO), à Marseille a pour but de sensibiliser le public aux enjeux des grands fonds marins par le biais de la bioluminescence. Au cours des deux dernières années, j'ai mené des expériences dans le laboratoire du MIO avec la bactérie bioluminescente Photobacterium phosphoreum ANT-2200 afin de créer des substrats innovants ainsi que des formes et des compositions esthétiquement convaincantes. Nous avons l'intention de préparer une exposition dans l'année à venir qui pourrait à la fois fasciner le public par sa beauté, l'interroger par ses mystères, l'éduquer grâce à la médiation scientifique, l'engager avec une histoire forte qui lie nos devenirs humains à ceux de l’océan profond. En effet, ce projet s'inscrit également dans le cadre du groupe de réflexion multidisciplinaire ABYSSES (CNRS/Aix Marseille Université) qui construit actuellement une matrice législative pour les profondeurs marines et des stratégies de sensibilisation aux écosystèmes abyssaux. L'exposition attirera l'attention sur les écosystèmes des grands fonds marins : fragiles, généralement invisibles, mais fondamentaux pour notre biosphère. La bioluminescence est un élément déclencheur de cette prise de conscience.
Notre travail avec le MIO a plusieurs dimensions : artistique ; scientifique ; sensibilisation du public ; innovation. Il est important de noter que ce projet est réellement une construction conjointe entre un artiste-chercheur et un chercheur en océanographie microbienne (et son équipe). L'intérêt d'une approche artistique et scientifique est d'autant plus grand que le projet est co-construit. En effet, cette recherche collective art & science nous conduit à des résultats variés et passionnants, dont l'exposition artistique est le noyau. Grâce à ce projet, nous sommes en mesure d'envisager une production artistique à court terme et un développement à long terme de la technologie bioluminescente et des biomatériaux qui combinent l'esthétique, l'éthique, l'éducation et la pertinence scientifique.
La production artistique consistera en une exposition multimédia proposant une trajectoire à travers la bioluminescence et la mer profonde, afin de mieux comprendre et de prendre soin de ces environnements. Des photographies, une installation vidéo et une biosculpture interactive accompagneront le public dans une histoire de vie et de mort, d'obscurité et de lumière, de formes organiques variées et d'écosystèmes inconnus, afin d'atteindre un impact fort.
Notre travail avec le MIO a plusieurs dimensions : artistique ; scientifique ; sensibilisation du public ; innovation. Il est important de noter que ce projet est réellement une construction conjointe entre un artiste-chercheur et un chercheur en océanographie microbienne (et son équipe). L'intérêt d'une approche artistique et scientifique est d'autant plus grand que le projet est co-construit. En effet, cette recherche collective art & science nous conduit à des résultats variés et passionnants, dont l'exposition artistique est le noyau. Grâce à ce projet, nous sommes en mesure d'envisager une production artistique à court terme et un développement à long terme de la technologie bioluminescente et des biomatériaux qui combinent l'esthétique, l'éthique, l'éducation et la pertinence scientifique.
La production artistique consistera en une exposition multimédia proposant une trajectoire à travers la bioluminescence et la mer profonde, afin de mieux comprendre et de prendre soin de ces environnements. Des photographies, une installation vidéo et une biosculpture interactive accompagneront le public dans une histoire de vie et de mort, d'obscurité et de lumière, de formes organiques variées et d'écosystèmes inconnus, afin d'atteindre un impact fort.
En tant qu'artiste pluridisciplinaire, je teste différents médias afin de rendre compte de la complexité des écosystèmes océaniques obscurs et de notre relation ambivalente avec ces écosystèmes (exploitation/protection). L'idée principale est de susciter un changement de perspective et d'échelle, de questionner notre place et notre rôle en tant qu'humains sur cette planète, et d'inspirer des comportements durables. Le travail photographique, par exemple, crée un changement d'échelle en proposant des systèmes planétaires bactériens : il montre que les bactéries, bien que microscopiques, sont fondamentales pour notre biosphère. Les images nous rappellent la célèbre image de notre planète vue de l'espace, et le fragile "point bleu pâle" mentionné par Carl Sagan. L'installation vidéo sera un diptyque, montrant d'un côté les interactions entre la faune marine et la bioluminescence grâce à un appareil que nous souhaitons installer dans une épave près de Marseille ; de l'autre, des images des abysses filmées par Bathybot, le véhicule sous-marin mis en place par le MIO à 2500 mètres de profondeur. Enfin, la biosculpture sera un organisme semi-vivant composé de bactéries et de matériaux innovants au milieu d'un grand espace sombre avec lequel le public pourra ressentir une interaction et éprouver le frisson de la rencontre avec un organisme de l'océan obscur. Il s'agit d'un appel à la sensibilisation aux écosystèmes océaniques profonds, loin des regards, et à la réflexion sur la temporalité, la fragilité et la conscience multispécifique : notre planète est un organisme bleu symbiotique et interdépendant.
Notre collaboration avec l'équipe du MIO a été mutuellement influente et nous continuerons dans cette direction grâce à ce projet. Christian Tamburini (MIO/IRD/CNRS/OSU - PYTHEAS/ AMU : https://cv.hal.science/christiantamburini) est mon principal collaborateur, et nous construisons ensemble une meilleure compréhension du fonctionnement de ces bactéries bioluminescentes. Il est très difficile de les contrôler en laboratoire comme on le fait dans des conditions naturelles, car leurs besoins spécifiques sont encore largement inconnus : nous avons testé de nombreux paramètres différents afin d'améliorer notre "communication" avec cette bactérie, presque dans le sens où un hôte symbiotique "communique" avec son symbiote par le biais d'un dialogue moléculaire. Nous essayons de maintenir la bactérie luminescente pendant des périodes plus longues que quelques jours, et cette co-création aura une influence très forte à la fois sur ma pratique et sur la compréhension scientifique de ces organismes. Plus largement, nous construisons à travers ce projet, avec la doctorante en psychosociologie des sciences et l'équipe interdisciplinaire ABYSSE, un nouveau modèle cognitif pour appréhender les profondeurs marines et sensibiliser le public.
Notre collaboration avec l'équipe du MIO a été mutuellement influente et nous continuerons dans cette direction grâce à ce projet. Christian Tamburini (MIO/IRD/CNRS/OSU - PYTHEAS/ AMU : https://cv.hal.science/christiantamburini) est mon principal collaborateur, et nous construisons ensemble une meilleure compréhension du fonctionnement de ces bactéries bioluminescentes. Il est très difficile de les contrôler en laboratoire comme on le fait dans des conditions naturelles, car leurs besoins spécifiques sont encore largement inconnus : nous avons testé de nombreux paramètres différents afin d'améliorer notre "communication" avec cette bactérie, presque dans le sens où un hôte symbiotique "communique" avec son symbiote par le biais d'un dialogue moléculaire. Nous essayons de maintenir la bactérie luminescente pendant des périodes plus longues que quelques jours, et cette co-création aura une influence très forte à la fois sur ma pratique et sur la compréhension scientifique de ces organismes. Plus largement, nous construisons à travers ce projet, avec la doctorante en psychosociologie des sciences et l'équipe interdisciplinaire ABYSSE, un nouveau modèle cognitif pour appréhender les profondeurs marines et sensibiliser le public.